Étude sur EPCOT

Nous sommes des promoteurs. 


Notre surface de projection est le terrain.



En 1966, année même de sa mort, Walt Disney annonce dans un film ahurissant l'élaboration de EPCOT aux abords de Orlando en Floride. EPCOT, pour Experimental Prototype Community Of Tomorrow, est pour Disney l'aboutissement et la synthèse de ses passions urbanistes et technologiques qui l'animent depuis les années 50. Dès 1965, l'état de Floride accueille la Walt Disney Company à bras ouverts en tant que promoteurs sur le territoire lors d'une conférence de presse accueillant les nouveau venus. Les marais de Floride s'offrant en terrain vierge pour une communauté du futur, déplacement fantastique d'un Versailles de science-fiction. 



La foire internationale de New-York en 1964-65 avait déjà permis à Disney de tester auprès du public des attractions innovantes qui seront reprises à EPCOT, construites sur des terrains achetés par la compagnie. Ce rapport au territoire amène le dessinateur et animateur bien loin de ses activités d'origine. Les espaces qu'il ouvre sont ici liés fortement à l'espace, dessinant un pays (Disneyland ouvert en 1955 en Californie), un royaume (Magic Kingdom, nom intermédiaire du projet EPCOT) et un monde même (Disneyworld ouvert en 1971 sur un terrain équivalent à deux îles de Manhattan). Mais c'est dans EPCOT que les ambitions de transformation du territoire sont les plus poussées tout en utilisant les outils  multiples de communication en vue de formalisation du projet auprès du public.



L'imagination toute pragmatique de Disney allie dans EPCOT toute la dimension économique de l'entrepreneur américain fier de la libre entreprise de son pays, tout en démontrant l'ingéniosité d'un futur désirable. Les attractions se mêlent ainsi au test et à l'évaluation de nouvelles technologies développées en étroite collaboration avec les industriels, et les espaces publics, écoles et gymnases par exemple, complètent l'écosystème.



Le terrain de création se veut fortement protégé par une première bulle, un dôme géant qui aurait dû couvrir la ville et réguler le climat, à l'image du projet du Manhattan Dome de Buckminster Fuller en 1960 de 2 miles de diamètre, proposant également une régulation climatique (nous n'oublierons pas de noter que cette influence aboutira également au Spaceship Earth, dôme géodésique ouvert en 1982 sur le site). Ensuite, la situation d'EPCOT permet à Walt Disney de se réjouir d'éviter les barrières autour de la communauté, les marais offrant une protection de contexte toute suffisante. Enfin l'ultime protection traite la question de la propriété de ce terrain et entre en écho avec le soucis de propriété intellectuelle. Walt Disney souhaitait un terrain sans propriétaire où la location assurerait l'accès. Cependant, ce refus de la propriété permet à Disney de conserver l'exercice des pouvoirs de contrôle. En effet, malgré l'ouverture du projet à quelques autres grands propriétaires, l'échec d'_EPCOT _laisse la Walt Disney Company largement majoritaire. Le terrain d'EPCOT est le terrain d'ancrage d'une démarche complète. Un espace de projection et un catalyseur, un promoteur, des idées de Walt Disney et de ses associés. L'ouverture ne se fait alors qu'unilatéralement ; ils sont la force de proposition, le public est la force de consommation. 



Ce qui reste formidable, c'est la façon dont toutes les étapes de la démarche de projet sont conçus comme des objets à part entière pour faire image, faire volume, faire espace. Les forces de formalisation de la Walt Disney Company sont ici détournées, utilisées dans un autre format que le dessin animé, pour activer le processus créatif de l'invention du monde artificiel. En effet, la qualité des images produites, parfois loin des traditionnels plans et schémas d'urbanisme, montrent l'importance de la communication d'une pensée. Le dessin y est limpide, essentiel pourrait-on presque dire, à la gouache légère ou appuyée ; de pures esquisses de dessin animé. Les techniques sont les mêmes avec des objectifs si lointains en apparence, autant vers le design d'objet que l'urbanisme. Le terrain d'action est le territoire de l'expérimentation, son devenir. 



Mais l'achèvement n'aura pas lieu, la réalisation ne sera pas aboutie. Stoppée à moitié par la mort de son auteur tout d'abord (même si la compagnie peut continuer à s'élancer avec les PDG héritiers des mondes, royaumes et pays laissés par l'empereur-entrepreneur. Par les évolutions du projets dirigées par ces mêmes PDG successifs ensuite, qui donneront des orientations plus adaptées sans doute ; mais aussi parce que le souhait de Walt Disney, comme un testament, était précisément de faire de ce lieu un prototype non achevé, en mouvement, une bulle de mise en forme de la créativité ; en faire le terrain des possibles. 
"Ce sera une communauté de demain qui ne sera jamais terminée, mais qui toujours présentera, évaluera et démontrera de nouveaux matériels et systèmes." Walt Disney, 1966
On aime alors voir l'image de Walt Disney démarcher, déambuler, parcourir son terrain en un espace de la pensée. Le cinéma, la télévision, l'écran se font remplacer par l'espace. Un changement de plan et de perspective, passant de l'intuition à la conception à la réalisation. 



C'est cette bascule qui a été travaillée dans les projets montrés ici, à voir comme des projets de représentation des démarches, mais aussi comme des propositions d'occupation. Quels sont les pays ou les royaumes qui nous sont proposés ? 

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