Étude pour un graphisme à domicile
Mickaël Phelippeau me demande cette année de travailler pour l’affiche du festival À Domicile, autour de la danse contemporaine, à Guisseny.
Budget très faible pour un projet atypique, j’accepte à la condition de réaliser l’affiche en atelier avec les habitants, poursuivant la proposition du festival. Je demande alors à rencontrer une dizaine d’habitants de Guisseny, à domicile, et de réaliser avec eux une image pour l’affiche. Il en ressortira 10 propositions parmi lesquelles la direction du festival fera son choix.
Les 27 et 28 juin, avec Benjamin Riollet, nous retrouvons Michel Thépaut qui nous servira tant d’hôte que de guide et de facilitateur pour cet étrange situation.
27 juillet, 15h30, b.r.
Nous retrouvons Berthe chez elle. Elle nous emmène dans sa véranda. Nous discutons de sa participation au festival. Son rapport à l’espace est le plus marquant. Il ne s’agit pas de la danse mais d’un rapport du corps à la nature. Elle se souvient de l’entrée dans la mer, habillée d’une robe de papier. Berthe peint. Je remarque une toile représentant une mer déchaînée. Nous l’intégrons dans l’image.
27 juillet, 16h30, i.c.
Yves C. ou Ifik, nous rejoint chez Michel. Connaissant déjà son travail avec Mickaël, nous parlons de la danse traditionnelle Round. Le centre de la ronde nous intrigue. Un centre qui n’est pas vraiment vide. Souvenirs des jeunes enfants que l’on garde en les plaçant au centre, du curé que l’on enferme, de l’ivrogne qui vient y gueuler. Souvent représentés par les cercles et des triangles pour les bonnettes, nous reproduisons le placement des danseurs en invitant le public à venir rejoindre la danse au centre de la ronde. Yves écrit cette invitation en breton et en français de son écriture de pâtissier. Un motif de ronde vient proposer un contrepoint.
27 juillet, 17h30, g.l.r.
Le rendez-vous avec Gisèle est également donné chez Michel. Les discussions avec Michel et sa compagne m’apprennent que Gisèle chante dans divers ensembles. Elle porte une robe avec une large ouverture sur sa gorge. Je remarque qu’elle discute aussi pour repousser la question de la photographie, relativement intimidée par l’appareil. Je lui propose alors de continuer de discuter en lui demandant si je pouvais photographier les belles veines de son cou, sans doute fortement visibles par son usage de sa voix. Derrière elle, une orchidée cultivée par Michel s’ouvre aussi. Nous confrontons ces deux images en un rapprochement évocateur, dans une douce provocation.
27 juillet, 18h30, a.b.
Je retrouve Aline chez ses parents. Nous discutons de quelques amis en commun et de lieux fréquentés. Elle me raconte ses multiples participations au festival. Aline m’en donne une vision plutôt analytique sur le processus proposé. Une première rencontre avec un artiste, puis le déroulement du travail, les méthodes proposées, et enfin la surprise, l’inconnu du résultat. Je lui propose de mimer ces étapes avec les mains. Après hésitation, nous restons au dessus de la nape marron de la table à manger.
27 juillet, 19h30, n.b.
Nelly est la mère d’Aline. Nous restons chez eux pour la suite. Depuis la salle à manger, je vois la grange. Nelly me raconte que depuis qu’elle ne sert plus à l’agriculture, la grange sert souvent de lieu de retrouvailles, pour des fêtes, des expositions, des spectacles. Des éclairages ont d’ailleurs été placés récemment. Je propose alors à Nelly de se faire spectatrice d’un événement à venir. De se placer sur le banc, devant le décors en place. Une place à sa droite est laissée libre pour la rejoindre.
28 juillet, 9h, a.a.
Michel réveille Alwena qui est en retard pour le rendez-vous. Elle n’habite pas loin et arrive rapidement. Elle nous récite ses expériences étranges issues des propositions du festival. Formant un inventaire de situations incongrues, nous lui demandons de les écrire une à une.
28 juillet, 10h, a.r.b.
Béatrice nous attend dans son jardin. Un grand echium a fleuri. Elle nous présente immédiatement les fêtes bretonnes de la semaine suivante. Nous parlons de musique, du startigen, l’énergie de la danse. Nous voulons alors montrer cette énergie avec le tuyau d’arrosage. Une façon de faire circuler de l’eau. Par ailleurs, Béatrice pratique le reiki, nous photographions ses mains en action au dessus d’un pannier qu’elle a tressé.
28 juillet, 11h, a.g.
Nous arrivons chez Anna qui nous propose d’entrer dans le salon. Anna a participé à des séances de sommeil public lors d’une précédente édition du festival. La situation semble propice à rejouer cela, dans une sorte de sommeil étrange sur une chaise laissée libre près d’une porte. Elle pointe une autre présence fantômatique. Pendant la prise de vue, un silence s’est imposé, une suspension. Nous nous quittons en observant sont jardin.
28 juillet, 12h, s.r.
Nous arrivons chez Sylvie et Jean-Michel. Nous démarrons sur la terrasse avec Sylvie après une visite de la maison. Nous pensions photographier le chat, mais en nous racontant son expérience du festival, Sylvie revient sur l’importance d’un mot lancé par Daniel Larrieu : « Ose ». Nous décidons d’écrire ces trois lettres avec les objets alentours, les galets collectionnés, les coquelicots en nombre et les coquillages récoltés.
28 juillet, 13h, j-m.k.
En discutant avec Sylvie, nous apercevions Jean-Michel et Michel visiter le potager. L’endroit nous intrigue avec sa cabane comme un chalet miniature. Jean-Michel nous fait visiter le lieu et nous parle aussi du risque pris en participant aux ateliers de À Domicile. Je lui demande si ce risque se retrouve ici, dans le jardin. Nous voyons alors les deux pieux, acérés et violents. Je demande à Jean-Michel d’attaquer la maisonnette. Une image très crue en ressort, très cinématographique aussi.
photo de l’exposition : Mickaël Phelippeau