Étude pour l’image parlante
CARTOLOGIES
Merci monsieur Bertin !
Dans le cadre du colloque scientifique organisé par le LIVE (laboratoire image, ville, environnement) et les commissions communication et sémiologie du Comité Français de Cartographie intitulé Temps, Art & Cartographie – La sémiologie dans tous les sens (16-18 mars 2016), nous avons voulu proposer une exposition conjointe, afin de poursuivre les échanges et reposer par une dimension plastique essentielle, les enjeux développés.
Par l’exposition Cartologies, nous proposons une modeste contribution à un usage alternatif des cartes en cours depuis plus de cinquante ans. Une transformation de ses codes, des outils de la géographie, pour la production et la transmission de savoirs. La carte comme mode particulier de l’existence des images, devient une alternative à la captation classique des informations sur un territoire.
Le logos proposé se transforme littéralement en logotypes par Olga Kissileva qui représente un territoire de marques, un paysage de branding. La réinterprétation de la carte lui donne la parole, comme dans les propositions de Sylvain Guyot qui, peignant sur la carte même, travaille à l’éclairer, à l’inscrire dans une série faisant discours. Le langage plastique informe lui-même sur une volonté de mettre à plat (aplat) les évolutions d’un territoire ou l’histoire politique de l’Afrique du Sud. On peut ainsi lier directement ce travail à l’élan joueur des Re-cartes, comme proposition de réappropriation des codes anciens non pas pour éclairer le présent, mais pour entamer une étude spécifiquement de ces codes et d’en dépasser le sens de l’exotisme temporel qui s’en dégage de prime abord. Une autre lecture nous permettrait aussi de nous diriger vers une pratique de traduction des codes pour en faire émerger de l’information. C’est sans aucun doute le travail développé par Régis Kern, permettant aux mal-voyants un accès à l’information cartographique. Le visuel se traduit ainsi en tactile, tout comme la proposition de Mathias Poisson pour les Promenades Blanches, une expérience de marche qui transforme les sens pour une mise en relation avec un territoire par la déambulation perceptive.
Le pouvoir de projection et de fiction de la carte dû à son mode de représentation lacunaire du monde nous permet aussi de développer la dimension narrative de la carte. Avec Lucie Bacon, il s’agit alors du récit même qui devient une carte. Aux côtés des lignes de Karine Comby, proches des tracés de Fernand Deligny, et des propositions des étudiants pour Chato-Carto, on pourrait apercevoir une extension de la représentation de la donnée, des datas, à des pratiques amateurs et sensibles, perceptives, traitant autant de l’anecdote que de la fleur, c’est-à-dire d’ancrer dans la représentation ce qui est volatile. Mais ce faisant, devenant une image parlante, la carte, essentiellement liée au sens scopique, déploie avec puissance une pratique de l’image qui raconte, une image de narration. Par ce biais, la carte se referme ou reprend du volume, car suivant l’élan de la juxtaposition simultanée, la carte est une image qui n’échappe pas au temps. Les vidéos de Till Roeskens le montrent bien, par la narration, la carte synthétise un art de l’espace et un art du temps. La cartographie, par bien des aspects, tient alors plus du cinéma que de la représentation du paysage.
Ça parle, certes, mais qui parle et pour qui ? Nous parlions de la pratique cartographique comme mode de relation à un territoire, ce qui implique la relation à un groupe social ou une communauté. La pratique cartographique se propose donc encore en tant que mode de rencontre, de compréhension et d’action sur le monde. Les propositions du collectif réuni pour l’œuvre In situ / On line, tout comme Fabien Pontagnier et les enfants de la classe de 6e du collège Joliot-Curie de Stains, et Élise Olmedo avec un groupe de femmes marocaines, proposent toutes des formes collectives, des objets de partage et de parole, des cristallisations de pensées collectives et collaboratives. Un mode de participation à la constitution d’une image collective, une représentation du commun. Le logos des cartologies est ainsi nécessairement polyphonique, comme Cédric Bandilly nous le suggère par les traductions sonores, performatives et collectives de l’architecture des villes qu’il traduit.
Des cartes dans tous les sens qui posent donc l’hypothèse de langages de tous les sens. Depuis la publication en 1967 de la Sémiologie graphique de Jacques Bertin, les nouvelles technologies autant que les nouveaux usages de la carte, nous permettraient d’envisager une sémiologie 2.0.
La géographie devient ici un terrain, un outil, pour l’artiste ou le designer, autant que pour le géographe, ceux qui revendiquent des postures de chercheurs, même s’ils ne s’attachent pas à l’exigence de ce que l’on appelle la recherche. Par leur entremise, le sens cartographique s’ouvre et se déploie vers une pratique ouverte et collective, modifiant implicitement les codes et les langages classiques. La cartographie devient une pratique de la limite, jouant bien des frontières entre les disciplines, à la limite de la géographie, de la sociologie, du graphisme, de la performance… définissant une méthodologie des passages plus que des limites.
La cartographie vue sous le prisme de la sémiologie se décline dans le cadre de 4 événements : un colloque, une exposition, un café-carto et une soirée projection-rencontre.
Le colloque scientifique est organisé par le laboratoire image, ville, environnement et les commissions communication et sémiologie du Comité Français de Cartographie intitulée Temps, Art & Cartographie – La sémiologie dans tous les sens (16-18 mars 2016) – http://art-carto-semio.sciencesconf.org/, avec le soutien et la participation de partenaires.